les Mirages III dans la presse
Alors que rien ne filtre sur le dossier Mirsip ouvert à charge
de l'ancien ministre de la Justice Melchior Wathelet, l'affaire de la vente
des Mirages de la Force aérienne au Chili risque de rebondir. Un
député chilien veut tirer l'affaire au clair et lancer une
commission d'enquête parlementaire.
Dans son pays, le Chili, Nelson Avila est surnommé "le bouledogue".
Ce député du Parti Pour la Démocratie (PPD) n'a pas
l'habitude de lâcher sa proie. Depuis le rétablissement de
la démocratie, comme député, il est, comme il le dit
lui-même, un contrôleur à temps plein des finances du
gouvernement. Sa formation en administration publique, sorte d'ENA locale,
n'y est sans doute pas étrangère.
Lors des dernières élections législatives, il
a obtenu le deuxième score national en voix de préférence.
"Sans mener campagne, précise-t-il, car lorsqu'on le fait, on est
forcé de se compromettre". Nous l'avons rencontré la semaine
dernière à Bruxelles, où il se trouvait avec une délégation
chilienne au Parlement européen.
L'affaire de la vente des Mirages belges au Chili ne lui a pas échappé:
"Sur un contrat de 109 millions de dollars, il y a eu un versement d'une
commission occulte de près de 15 millions de dollars, comme l'a
découvert la justice belge. J'ai décidé il y a un
an de devenir membre de lacommission de la Défense nationale au
Parlement chilien. En effet, depuis la dictature, cettezone de l'administration
publique est restée vierge de tout contrôle".
"Cette enquête sur l'achat des Mirages belges est importante:
cela va nous obliger à avoir un contrôle des civils sur les
acquisitions de l'armée. Les armes sont des choses trop sérieuses
pour les laisser aux mains de gens en uniforme".
"Ce qui m'étonne, ajoute Nelson Avila, c'est que les autorités
belges ne sont pas encore venues en commission rogatoire au Chili. En conséquence,
il n'y a pas encore eu de réaction judiciaire au Chili".
Veut-il profiter de son passage à Bruxelles pour, justement,
établir ce contact avec les autorités judiciaires? Il se
fait laconique: "J'adore la Grand-Place de Bruxelles. Et il paraît
que le petit garçon qui fait pipi porte chance".
Que va-t-il faire après son retour dans son pays? "Deux choses.
D'une part, je vais porter plainte devant la justice pour corruption. D'autre
part, une commission d'enquête devra être créée
au sein du Parlement chilien". Cela ne sera pas simple. Les militaires
ont déjà réagi. Selon Ramon Vega, l'ancien chef d'état-major
de la Force aérienne chilienne, les tractations ont eu lieu de gouvernement
à gouvernement sans intervention de groupes privés. L'enquête
belge a déjà démontré que cette affirmation
est totalement fausse. Le général Lefebvre, qui s'est suicidé
en 1995, était au coeur de ce dossier ainsi que la SABCA, une filiale
belge du groupe Dassault. "Carlos Alvarez, le chef du projet au Chili,
a lui aussi affirmé que le contrat de vente des Mirages belges avait
été clair et transparent. Il a prononcé une phrase
qui devrait
être gravée dans le bronze: "Cette transaction fut une
des plus transparentes de celles réalisées par la Force aérienne
chilienne".
Il sera donc difficile de lancer cette enquête? "Dans un premier
temps, face aux militaires, je n'aurai peut-être pas beaucoup de
soutien. Mais je compte très fort sur l'opinion publique et sur
une complicité positive avec les médias. Le citoyen est très
intéressé par ce qu'on fait avec son argent. Chaque fois
qu'on met la main dans la poche de quelqu'un, il réagit".
Alors, le dossier belge pourrait-il être débloqué
par une initiative parlementaire au Chili? Une affaire à suivre,
comme on dit d'habitude.
Propos recueillis par Philippe Brewaeys.